Entretien La Manufacture CDCN : à l'aube d'une rénovation sobre et exemplaire

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Photo de Chloé Bodart, architecte
Chloé Bodart, l'architecte de la Compagnie architecture aux manettes de la réhabilitation de la Manufacture CDCN. © Compagnie architecture

Le centre chorégraphique, également salle de représentation, située sur le boulevard Albert 1er, va bénéficier d’une opération d’ampleur dès ce printemps. Une rénovation placée sous les préceptes environnementaux du label Bâtiment frugal bordelais. Explications avec Chloé Bodart, architecte de Compagnie architecture, agence retenue lors de l’appel d’offres.

C’est un lieu aisément reconnaissable pour les Bordelais remontant les Boulevards dans le sud de la commune. La Manufacture CDCN (Centre de développement chorégraphique national) et sa façade bleue des années 1930 vont bénéficier d’une profonde réhabilitation dès ce printemps 2025. 

Après la dernière soirée avant fermeture, le 18 avril, des travaux d’ampleur de rénovation et extension vont débuter en mai et se dérouler durant 18 mois. Une opération destinée à améliorer les conditions de travail des professionnels et d’accueil des publics, dans une démarche environnementale.

Améliorer les conditions d’accueil et de travail

Cette ancienne manufacture de chaussures va ainsi voir apparaître une extension sur sa partie supérieure et une rénovation complète des locaux existants. Une opération qui rendra le bâtiment plus ouvert et accessible tout en s’attachant à mettre en valeur la création chorégraphique. Ce lieu innovant accueillera autant un jeune public, des résidences d’artistes, des parcours d’éducation artistique et un public toujours plus nombreux avec une jauge réhaussée.

Une attention particulière a été portée à l’impact environnemental du projet. Pour y parvenir, l’équipement a été labellisé Bâtiment frugal bordelais, respectant un cahier des charges exemplaire en matière de construction, de consommation d’énergie et d’usage, strictement pensé avec les usagers.

Future vue extérieure de la Manufacture
Le parvis et la nouvelle entrée de la Manufacture CDCN, donnant sur le boulevard Albert 1er. © Compagnie architecture - Airstudio

Le projet sera réalisé par Dune Constructions et l’agence bordelaise Compagnie architecture. Cette dernière, spécialiste des lieux culturels, a développé une idée conservant l’esprit et le patrimoine des lieux tout en y aménageant de nouvelles surfaces pour accompagner ces nouvelles ambitions.

Entretien avec l’architecte et cofondatrice de l’agence Compagnie architecture Chloé Bodart.

Proposition d'aménagement pour la future salle de Manufacture CDCN
La future salle de spectacle de la Manufacture, et sa jauge réhaussée à 294 places. © Compagnie architecture - Airstudio

Que vous inspire le lieu de la Manufacture CDCN ? Comment avez-vous modelé votre idée de transformation pour respecter son esprit ?

C’est un lieu qui doit être généreux. Nous avons beaucoup travaillé sur le croisement des publics à travers l’idée d’un parvis très ouvert sur la ville qui permettra d’accéder à un espace de restauration s’ouvrant sur un jardin où l’on pourra travailler ou simplement boire un verre. Les équipes techniques et artistiques pourront s’y croiser. Le projet a vraiment été pensé comme un tiers-lieu qui permet de rassembler les pratiques et les publics. Nous voulions également conserver la façade, témoin de son passé industriel.
Plus globalement, pouvoir travailler sur un projet culturel sur notre territoire, c’est un honneur. On en est très fiers.

Comment avez-vous intégré les principes du Bâtiment frugal bordelais au projet, impliquant une sobriété de construction et d’usage ?

Un important travail de conception bioclimatique a été mené, notamment sur l’enveloppe du bâtiment. Celui-ci sera compact en intégrant la surélévation à l’enceinte existante. Une forte dimension de réemploi est intégrée également.
Nous allons déployer un bardage bois, avec des isolants biosourcés. On a mis très peu de climatisation, uniquement là où la scénographie et ses projecteurs apportent une grosse source de chaleur qu’on ne peut pas traiter avec une ventilation naturelle. Le parvis et le jardin sont conçus pour être des supports au développement de la biodiversité.
Nous avons adapté les éclairages avec des panneaux rayonnants offrant un très bon confort, en laissant passer une généreuse lumière naturelle. Des panneaux photovoltaïques seront installés pour couvrir la consommation électrique du lieu et offrir une autonomie. On anticipe un raccordement au réseau de chaleur urbain également.

7,260

En millions d’euros le coût des travaux réalisés.

Proposition d'aménagement pour la future Manufacture CDCN
Le futur hall réaménagé de la Manufacture CDCN. © Compagnie architecture - Airstudio

Vous évoquez aussi une forme de « sobriété dans l’approche architecturale ».

Nous aimons mettre la matière uniquement là où elle est nécessaire. Pas de faux plafonds par exemple. Toutes les charpentes sont apparentes, tout comme les chemins des câbles. C’est une approche brute qui vise une efficacité environnementale mais également économique.. L’enveloppe financière est ainsi optimisée.

Le public a-t-il été consulté lors de la conception ?

On a pris en compte les usagers du lieu, en rencontrant à plusieurs reprises les équipes de la Manufacture bien sûr. C’est au cœur de notre démarche. Des ateliers ont été conduits, nous permettant d’ajuster le projet afin qu’il leur convienne et limiter ainsi l’obsolescence du bâtiment. Pour nous, c’est l’une des premières règles écologiques, faire un projet adapté à chacun.

La modification la plus visible va être cette surélévation centrale. Pourquoi l’avoir conçue ainsi ?

Passer de 200 à 300 places nécessite de modifier des gradins et de monter plus haut pour répondre à une courbe de visibilité. Pour cela, on ne pouvait pas garder la charpente existante. D’où une surélévation de la salle. Nous avons profité de la surélévation pour intégrer un étage sur la salle avec deux studios, dont l’un pourra accueillir du public, et des bureaux. Un foyer commun sera partagé par les équipes et les artistes, ainsi qu’une terrasse généreuse qui donnera sur les boulevards.
Nous avons privilégié la réhabilitation en partant du « déjà-là ». Ces lieux scéniques sont techniques pour des raisons scénographiques et acoustiques. Il faut être malin pour intégrer ces exigences.

Le projet

Les grandes nouveautés

  • La salle principale est agrandie, passant de 196 à 294 places.
  • L’entrée du public se fera côté boulevard, grâce à un parvis repensé.
  • Une surélévation en bois accueillera deux studios sur la partie supérieure du bâtiment.
  • Un nouveau foyer et un restaurant seront ouverts au public.