L'égalité c'est toute l'année : les femmes en premières lignes face à l'urgence climatique
Épisode 10 : Éclairage sur l'écoféminisme avec Maureen Bal, doctorante en science politique à l'Université de Bordeaux (Campus Montesquieu), à l'occasion de la Journée mondiale du Climat célébrée le 8 décembre.
Un phénomène qui franchira rapidement l'Atlantique pour gagner les campus américains. En France, le mouvement intellectuel fait long feu. Ce n'est qu'après deux décennies de mouvements sociaux, de lutte antiraciste, antimilitariste et antihomophobie, et la création de nouveaux foyers de contestation féminine notamment en Inde, que le terme reprend de la vigueur au tournant des années 2000. C'est cette question du dialogue transfrontalier entre les luttes qu'explore en profondeur la chercheuse bordelaise Maureen Bal, sous la forme d'un projet de thèse baptisé : "Les impensés de l'écoféminisme : étude comparative des écoféminismes français et étasunien (1970-2020)", sous la direction du professeur Patrick Chastenet.
Les femmes premières victimes
Responsables du foyer, qu'il s'agisse de l'approvisionnement en nourriture, en eau, de l'entretien du logis, elles doivent affronter les déplacements contraints par les sécheresses, les famines, tout en conservant leur rôle de responsable du cercle familial. Des risques qui peuvent les entraîner plus facilement dans la pauvreté, comme le signalent Oxfam et ONU Femmes. Les catastrophes naturelles et les mouvements migratoires qu'ils entraînent les rendent même plus vulnérables aux violences sexuelles.
"Des luttes en imbrication"
A cette critique, l'écoféminisme ajoute un questionnement sur le sujet colonial et l'exploitation par le Nord global des ressources des pays du Sud (Amérique du Sud, Afrique et Asie) toujours d'actualité. "Toutes ces luttes se rassemblent. Ce sont des mécanismes de lutte qui sont en imbrication", explique Maureen Bal. Son travail explore également les grands mouvements de contestation passés, comme l'occupation du camp militaire de Greenham Common, en Angleterre, sur lequel des femmes ont manifesté durant 19 ans (1981-2000) contre l'installation de missiles nucléaires. Ou encore le Women's Pentagon Action, qui a rassemblé 2 000 femmes devant le siège principal de l'armée américaine, unies contre l'escalade de l'armement en pleine guerre froide, et le mouvement Chipko en Inde, associant oppression patriarcale des femmes et des forêts.
Depuis une petite dizaine d'années, le mouvement prend de la vigueur dans les universités françaises. Les marches pour le climat, qui ont largement mobilisé la jeunesse, drainent à nouveau ces idées, comme lors du mouvement de protestation contre l'enfouissement de déchets nucléaires dans la commune de Bure (Meuse). Des organisations qui donnent une large place à la revendication féministe, mais aussi LGBTQIA+.
"Une décroissance nécessaire"
"L'écoféminisme tend à prendre en compte la nécessaire décroissance de nos sociétés. Que le système ne peut continuer en imaginant que les ressources sont illimitées. La question de la subsistance est essentielle à ce titre", souligne Maureen Bal. Plus responsables, plus éthiques, nos modes de vie doivent évoluer vers moins d'exploitation humaine ou animale et reposer davantage sur l'autoproduction. Le lien démocratique horizontal et la décentralisation des décisions étant également des chevaux de bataille du mouvement.