L'égalité c'est toute l'année : Oxana Cretu, cheffe gastronomique moldave, engagée contre le sexisme en cuisine
Épisode 8 : Oxana Cretu, cheffe du restaurant bordelais "Inima", confrontée aux inégalités de traitement entre hommes et femmes et qui s'active aujourd'hui pour contribuer à un futur plus égalitaire.
C'est une aventure qui a commencé il y a 18 ans. Quand, jeune fille au pair à Bordeaux, Oxana Cretu (prononcez "Crétsou") est séduite par la capitale girondine, au point de ne plus la quitter. La jeune femme originaire de Cahul, à 150 km de la Mer Noire, entre Roumanie et Ukraine, débute pourtant par des études en arts appliqués, loin des cuisines. C'est un souvenir d'enfance qui l'amènera vers cette carrière peu envisagée jusque-là.
"Ce n'est pas forcément un métier très bien vu en Moldavie. Cela n'a jamais dû passer par la tête de mes parents. Mais l'un de mes grands-pères était garde-forestier et s'occupait d'une ferme en auto-suffisance. Il faisait pousser tous ses légumes. Il y avait également de la chasse l'hiver pour réguler les espèces. J'ai le souvenir des corvées à réaliser !"
Même si les tâches sont ingrates pour l'enfant Oxana, avec le temps, elle reconnaît que cet épisode lui aura donné "une longueur d'avance" dans son nouveau projet professionnel : la gastronomie. Autodidacte, elle ne fait que passer à l'École culinaire de Jean-Luc Molle, puis chez Alain Ducasse. Des points d'appui néanmoins qui la mèneront vers un projet d'établissement tout personnel.
Le langage des fleurs
En 2023, Oxana fait évoluer son idée en changeant le nom des lieux. Ils deviendront "Inima", ce qui veut dire "de tout coeur" dans sa langue d'origine. Tout un programme qui relève l'intime qu'elle tente d'impulser dans sa cuisine tournée vers le végétal, le floral même, et le durable. Désormais concentrée sur une gastronomie exigeante, elle reste soucieuse de l'impact environnemental de l'usage des viandes, notamment rouges. Une ascension non-linéaire, parfois percutée par la brutalité d'un milieu où les femmes peuvent encore être déconsidérées.
"Le milieu continue d'être assez rude"
"Certains hommes ont pu me donner l'impression d'imaginer mieux que moi comment gérer mon entreprise. C'est une attitude qu'ils n'auraient pas avec un chef masculin." Ce constat, Oxana l'a aussi tiré avec certains collaborateurs pour qui les échanges "entre hommes" conservent une plus grande importance.
"Le milieu continue d'être assez rude pour les femmes, même si beaucoup d'hommes restent ouverts et bienveillants bien sûr. Mon compagnon est chef également, je ne peux pas dire le contraire !", sourit la Moldave.
Mais pour tracer sa route dans l'univers de la restauration, mieux vaut accrocher sa ceinture. "Il faut toujours faire davantage ses preuves quand on est une femme. Même si je me fie surtout à mon instinct moi-même, sans faire de différence."
Engagée au quotidien
Mère de trois filles, dont deux sont déjà séduites par la cuisine, elle rêve désormais de laisser à cette génération un avenir plus égalitaire. C'est avec cette conviction qu'elle a collaboré avec l'association "Des Étoiles et des Femmes", en intégrant des femmes de tous milieux sociaux dans son restaurant par des stages d'apprentissages. Une manière de rapprocher des personnes, éloignées de l'emploi et freinées par une situation familiale et des difficultés de maîtrise de la langue, d'un univers qu'elles peuvent intégrer, afin de donner de l'espoir et un levier d'action.