La vie après la galère : portrait de Danielle Assis de Sousa
Danielle Assis de Sousa a vécu plusieurs mois dans un campement de fortune. Grâce à sa force de caractère et à la solidarité locale, elle s'en est sortie. La Brésilienne raconte cette vie heurtée, mais toujours altruiste. Danielle a d'ailleurs prêté son sourire pour la couverture du magazine de la Ville "le mag Bordeaux".
Ecouter les mots et suivre les gestes de Danielle, c'est d'abord voyager. Le Brésil, le départ à l'aventure vers l'Espagne, la région parisienne et la dernière étape bordelaise… Une vie sur les routes qui a changé en mai 2022, lorsqu'elle découvre la rue à 43 ans. Depuis un nouveau chapitre de sa vie a commencé : un projet entrepreneurial, un engagement lors de la Nuit de la Solidarité et d'autres idées mises en oeuvre qu'elle raconte avec ses yeux pétillants et son sourire contagieux.
L'histoire de Danielle
Rencontre avec cette Bordelaise tournée vers les autres. Une combattante toujours en mouvement.
Tout commence à Brasilia, capitale et ville nouvelle, où Danielle voit le jour en 1978. Très jeune, elle affronte un abandon et la violence de parents défaillants. Sa mère, journaliste puis fonctionnaire se débat avec les addictions. Son père, artiste, n'assume pas sa paternité. Elle ne le rencontrera qu'à 14 ans.
"Ma mère désertait parfois. J'ai dû apprendre à cuire le riz à 6 ans". À 15 ans, sa "génitrice" lui adresse le coup de trop. Elle quitte la maison, direction la ville de Natal et le vent frais de la côte Atlantique, à 2 500 km de là. C'est le début d'une valse de petits boulots : hôtellerie, publicité, restauration… La débrouille fortifie sa capacité de survie. Partie pour un mois en Espagne à l'âge de 18 ans, Elle y deviendra soudeuse d'autobus. En 2017, elle vient en région parisienne pour travailler. Mais la période Covid la plombe. Endettée après un long séjour à l'hôtel, elle finit par atterrir à Bordeaux.
Le 16 mai 2022, Danielle est contrainte de poser sa tente dehors et choisit Bordeaux Lac. "La rue, c'est spécial. Tu essaies de mieux connaître les gens. Mais ces personnes sont dégradées émotionnellement et physiquement. La méfiance est omniprésente". Le vol est fréquent, la violence latente.
"J'étais perdue. La planète pouvait exploser, je m'en moquais. J'avais besoin de retrouver du lien social."
Le défi est encore plus compliqué pour les femmes, vulnérabilisées. Mais Danielle fait aussi de très belles rencontres, "une famille reconstituée" toujours présente dans sa vie. Dans ce désordre, son amour intact des animaux l'incite à récupérer César, un American Staff croisé de Berger allemand dont le maître est décédé brutalement. La grosse boule de poils l'accompagne toujours joyeusement. Tout en le caressant, Danielle se souvient : "Je n'appelais jamais le 115 (hébergement d'urgence), hormis pour prendre une douche. L'hygiène est primordiale pour conserver un peu d'estime de soi".
D'abord celle des médiateurs du GIP Médiation. Le Secours Catholique lui ouvre ensuite ses portes et la conduit à proposer ses oeuvres en macramé durant un marché de Noël.
"J'ai noué un lien très fort. Toute cette humanité, cette absence de jugement, cela m'a redonné un souffle". C'est tout naturellement qu'elle participe à la Nuit de la Solidarité après avoir rencontré une représentante du Centre communal d'action social (CCAS). Sa connaissance du terrain et son indestructible bonne humeur y sont précieuses. Ses principes pour aborder des SDF ont même convaincu d'autres structures au niveau national, "une fierté personnelle". "Dormez par terre chez vous, levez-vous le matin sans utiliser vos toilettes… et vous connaîtrez le début de journée d'un SDF", résume-t-elle.
Désormais locataire d'un logement du CCAS à Bacalan, Danielle est lancée dans un projet d'autoentreprise en éco-art, la conception artisanale à partir d'objets de récupération, mais aussi dans l'obtention d'une licence de comportementaliste animalier. Elle tient avec les colis alimentaires d'associations à petit prix. Actrice de sa ville, elle s'y tient debout, toujours en mouvement.
- Précarité, une ville en action La Ville mène une politique volontariste pour lutter contre la précarité sous toutes ses formes : sans-abrisme, privations alimentaires et des droits... Voici un aperçu des initiatives en cours et rencontre avec ceux qui s'engagent.