Un cimetière déroutant : découvrez la Chartreuse en trois curiosités
Les cimetières de Bordeaux vont particulièrement se fleurir à la Toussaint. L'occasion de découvrir le plus ancien et le plus grand d'entre eux, la Chartreuse. Zoom sur certaines de ses plus belles sépultures, pleines d'histoires et de secrets.
Un pont des soupirs
C'est le plus ancien (création en 1791) et le plus étendu cimetière de Bordeaux (26 hectares). Le cimetière de la Chartreuse dresse un pont des soupirs entre le quartier Mériadeck et les boulevards. Mais c'est aussi un musée à ciel ouvert grandiose. Car ce lieu de repos pour de nombreuses personnalités bordelaises issus du monde politique, économique, artistique ou encore militaire depuis deux siècles est aussi un terreau d'art et d'architecture au fil de ses allées ombragées d'ifs et de tilleuls.
Rattachée au périmètre classé au patrimoine mondial de l'Unesco, son entrée la plus ancienne est le portail nord, classé Monument Historique depuis 1921, dernier vestige de l'ancien monastère des Chartreux. De nombreux styles se mêlent entre cippes, tombeaux et mausolées : époques romanes, gothiques, néo-classiques, antiques… la taille des sépultures étant souvent proportionnelle aux moyens des familles qui les ont érigés. "Vous maintenez votre statut social, y compris dans la mort !", souligne Olivier Deltheil, guide-conférencier à l'Office de Tourisme et des Congrès de Bordeaux.
Petit tour de quelques-uns de ces monuments riches d'histoire et de valeur patrimoniale.
1 - Goya, présence fugace
Parmi les curiosités les plus recherchées par les visiteurs, le cénotaphe du peintre espagnol Francisco Goya (1746-1828). Construit en 1928 au centenaire de la mort de l'artiste, l'oeuvre est un témoignage de son décès à Bordeaux, au 57 cours de l'Intendance. Le mystère de la disparition du crâne du génie reste d'ailleurs toujours entier. Lorsque le maître a été exhumé de la Chartreuse en 1888, il fut découvert dépossédé de son crâne. L'artiste repose à Madrid depuis son rapatriement en Espagne après de nombreuses péripéties diplomatiques.
3 choses à savoir :
- Goya ne fut pas initialement enterré à l'endroit même du cénotaphe, mais au sein du caveau des Muguiro, cousins de la famille de sa belle-fille, les Goicoechea puis déplacé deux fois avant de quitter Bordeaux.
- A Bordeaux, Francisco Goya aura représenté des marchandes de fleurs et des condamnés à mort dans des dessins tirés à l'eau forte.
- Le cénotaphe de style art-déco fut aménagé par l'architecte Tussau et le sculpteur Chaveron.
2 - Des visions de l'après
Parmi les oeuvres les plus spectaculaires de la Chartreuse, deux représentations de la mort s'affrontent par leur style et leur message :
- Le mausolée Crozatier est une réalisation du sculpteur Henri Léon Greber, datant de 1927. Prix de Rome l'artiste présente un homme massif d'inspiration antique assis sur une colonne brisée avec ces deux inscriptions latines placée à ses pieds : "Mors Ultima Ratio" et "Carpe Diem" soit "La mort est l'aboutissement de tout" et "Profitons de la vie".
- Plus loin, l'image de la mort est diamétralement opposée au mausolée du capitaine au long cours Jean Catherineau (1802-1874). Celle-ci y est présentée cadavérique, armée d'une faux et menaçante sur sa falaise sur laquelle son navire s'est fracassé. Son épitaphe est toute autre : "Par la science et l'intrépidité, le marin peut longtemps braver les tempêtes de l'océan, mais il est un écueil contre lequel il doit fatalement se briser : la mort" Ce monument était un souhait de Catherineau pour décorer le cimetière.
"C'est un message pour les héritiers de Jean Catherineau, s'ils ne faisaient pas ce que leur aïeul demandait, à savoir construire ce mausolée, ils étaient déshérités ! Aujourd'hui, cette représentation s'apparente à celle des films d'horreur. La sépulture a coûté 8000 francs or à l'époque. C'était énorme", indique Olivier Deltheil. Le tombeau est signé par l'architecte Jean Alaux.
3 - L'une des plus fréquentées, le père Chaminade
Autre particularité, la tombe de Charles-François Delacroix, père du peintre Eugène Delacroix et révolutionnaire, ou encore celle de l'écrivain féministe Flora Tristan, grand-mère du peintre Paul Gauguin.
Afin de rendre les espaces verts plus écologiques et durables, aucun pesticide n'est utilisé dans les espaces verts de la ville, dont les cimetières. Seuls des engrais naturels sont employés pour fertiliser les sols. L'arrosage est également réduit par paillage. La faune et la flore sauvages s'y développent ainsi.
Des efforts qui ont contribué à l'obtention d'une 4e fleur du label Villes et villages fleuris, remise à la Ville de Bordeaux le 12 septembre 2024. La collectivité s'est engagée plus largement dans un projet global de développement végétal à travers le vaste programme nommé "Bordeaux grandeur nature".