"Voix olympiques" : Eléa Charvet (para canoë-kayak)

Publié le 27 septembre 20124

À travers la série "Voix olympiques" la Ville part à la rencontre de Bordelais impliqués sportivement ou émotionnellement dans les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.

Épisode 6 avec la para-kayakiste Eléa Charvet, passée de la découverte de sa discipline à une qualification paralympique en à peine deux ans.
La para-kayakiste Eléa Charvet est licenciée à l'Emulation nautique de Bordeaux Canoë-Kayak.
La para-kayakiste Eléa Charvet est licenciée à l'Emulation nautique de Bordeaux Canoë-Kayak. © Romain Bruneau

Episode 6 : Eléa Charvet, une trajectoire fulgurante à contre-courant

À 22 ans, Eléa Charvet a vécu la plus grande émotion de sa jeune carrière de sportive de haut niveau le 7 septembre dernier. Dans le stade nautique de Vaires-sur-Marne (Seine-et-Marne), la Girondine a remporté une finale B, passant à un cheveu de se mêler à la grande explication des meilleures. Rencontre avec ce bourreau de travail, qui a touché au sommet de sa discipline à force de volonté et de travail, quatre ans après un terrible accident.

Née au Pays basque, Eléa Charvet est devenue rapidement girondine suite à un déménagement précoce. Installée toute jeune à Sadirac avec sa famille, elle y baigne dans une ambiance sportive, aidée en cela par un père coach d'escrime, même si la natation et le handball ont ses préférences durant ses premières années. "Le sport était clairement le sujet de discussion le plus pertinent à la maison !"

À 18 ans, un accident de la circulation subi sur son scooter la prive de sa jambe gauche, quelque temps seulement après avoir obtenu un baccalauréat en art appliqué. Un choc qu'Eléa va surmonter grâce à un entourage soudé autour d'elle et une échappatoire, le sport de haut niveau.

"Un vrai défouloir !"

Après une année passée dans un centre de rééducation, l'association "Comme les autres" lui propose de tester une nouvelle discipline qui s'avèrera par un coup de coeur. La pirogue est une embarcation sur laquelle les coups de rame ne se font que d'un côté. "Cela me permet de faire du sport sans prothèse, d'être libre de mes mouvements. Pour moi, qui peux être un peu bourrue, avec un caractère difficile parfois, c'est un vrai défouloir !". Licenciée à l'Émulation nautique de Bordeaux Canoë-Kayak, elle fait ses premières armes à Bordeaux Lac. D'abord alignée sur le fond (5 000 m) et le sprint, Eléa opte finalement pour les courtes distances, plus à même de combler son besoin de laisser exploser son énergie.

Le sprint nécessite de la précision. Chaque répétition de geste doit être réalisée à la perfection afin d'appliquer force, équilibre et vitesse à sa glisse. Une alchimie qui colle à la personnalité d'Eléa, perfectionniste et ambitieuse, pour qui les victoires ne sont qu'une étape avant de viser plus loin.
 

Victime d'un grave accident de voiture à 18 ans, Eléa Charvet s'est reconstruite à travers le sport et le canoë.
Victime d'un grave accident de voiture à 18 ans, Eléa Charvet s'est reconstruite à travers le sport et le canoë.  © Romain Bruneau

Un double projet exigeant

"Comme les autres" l'aiguille rapidement vers le programme "La Relève", émanation du Comité Paralympique et sportif français et véritable détecteur de talents au niveau national. C'est ainsi qu'Eléa se jette dans les eaux agitées du haut niveau. Rapidement détectée par des encadrants nationaux, elle franchit chaque obstacle qui se présente au bout de sa pagaie. Intégrée au Pôle France, elle bénéficie d'un statut de sportif de haut niveau qui lui permet de jongler entre études de sport puis de kinésithérapie et entraînements. "En un peu plus de deux ans, tout est allé très vite. Ce fut d'ailleurs assez déstabilisant. L'exigence personnelle est très forte, on met beaucoup sa vie personnelle en retrait. Heureusement, j'ai été très bien accueillie en équipe de France. Mais il est bien clair qu'on doit organiser sa vie autour du sport, et non l'inverse." Séances dans l'eau, musculation et natation garnissent un programme riche et de longue haleine.

Avec les JO de Paris en ligne de mire, la sollicitation de la Team Bordeaux, système de mécénat privé de sportifs lancé par la Ville de Bordeaux en 2022, lui permet d'obtenir plus de visibilité et de cofinancer les coûteuses saisons de compétition (environ 30 000 euros chacune). Ses titres de championne de France en VL3 200M et K2 500m confirment les espoirs mis en elle.

Les JO, "c'était fou !"

D'abord trop juste pour intégrer la sélection paralympique, Eléa accroche le tout dernier wagon lors d'une qualification de rattrapage. Toute heureuse de pouvoir embarquer dans l'aventure de Paris 2024, elle découvre l'ampleur de l'événement : "Personne ne s'attendait à ça. C'était fou, extraordinaire, grandiose. Sur les compétitions ordinaires, on est habitués à voir une centaine de spectateurs sur les berges. Là, il y en avait des milliers les yeux rivés sur vous. Cela nous a tous énormément poussés. Les audiences ont été quasi comparables à celles des Olympiques, c'était inconcevable auparavant. Les gens ont réalisé que nous avions autant de mérites à concourir."

Privée d'une grande finale du 200m VL3 des huit meilleurs pour un petit bout de bateau, Eléa se console en remportant la finale B. "C'est le jeu !" Pas de quoi la décourager, elle qui veut continuer au plus haut niveau. Si ses études, pas encore terminées, la maintiennent en région parisienne, Bordeaux reste dans un coin de sa tête : "C'est toujours un plaisir de revenir. Bordeaux, c'était le début de ma petite vie, l'indépendance, et le soleil aussi ! En tout cas, il y en a plus qu'à Paris !"
 

"(La pirogue) me permet de faire du sport sans prothèse, d'être libre de mes mouvements." © Romain Bruneau