De nouveaux équilibres (après 1945)

Mériadeck, naissance d'un nouveau quartier © Mémoire de Bordeaux - Fonds Sud Ouest
Lors des élections législatives de 1946, Jacques Chaban Delmas, figure de la Résistance, est élu député de la Gironde. Il a 31 ans. L'année suivante, en 1947, il remporte les élections municipales sur une liste radicale soutenue par le Rassemblement du peuple français (RPF) du général de Gaulle, mouvement qu'il rejoindra quelques années plus tard. Sous son impulsion, alors qu'il devient ministre des Travaux publics, du Logement et de la Reconstruction en 1954, la ville se modernise. Pour faire face à l'insalubrité d'un grand nombre de logements, la construction de plusieurs cités est lancée dans l'urgence : Carreire, Claveau, Labarde. Elles sont suivies de constructions modernes que l'on souhaite durables. En 1955, la première cité sort de terre à la Benauge, suivie de celle du Grand-Parc en 1957, de la Cité lumineuse en 1960, pendant que débute une autre décennie de grands travaux : le domaine universitaire, le centre hospitalier universitaire (CHU), les tours de la cité administrative. Entre 1962 et 1966, on creuse Le Lac par draguage dans les espaces marécageux de Bordeaux Nord. Le Parc des expositions y est édifié. Il ouvre en 1969. Sur la Garonne, deux nouveaux ponts sont lancés : le pont Saint Jean en 1965, le pont d'Aquitaine en 1967. En 1969, commence la démolition de l'ancien quartier Mériadeck, entièrement rasé pour faire place à un éclat de ville nouvelle.

Dans le domaine économique, cette nouvelle ère voit le secteur traditionnel de l'agro-alimentaire et des chantiers navals régresser au profit de nouvelles activités. Dès 1947, Marcel Dassault conçoit et fait voler son premier avion d'après-guerre, le MB303, à Bordeaux. Il ouvre une usine à Talence en 1948, une autre à Mérignac en 1950. Juste à côté, le nouvel aéroport civil est mis en service en 1959. Dans les années 1960, un vaste complexe aéronautique et aérospatial naît dans le nord-ouest de l'agglomération. Ce sera le berceau des fusées françaises, celui de la fusée Diamant, transportée de Saint-Médard-en-Jalles jusqu'au désert du Sahara pour mettre en orbite le premier satellite français, le 26 novembre 1965. Bordeaux et sa région sont restées depuis un important pôle spécialisé dans l'aéronautique et le spatial. Les années 1960 verront naître d'autres industries, dans le domaine de la chimie, de la pharmacie, de la construction automobile (Ford en 1973) ou de l'électronique.
La construction du pont d'Aquitaine © Mémoire de Bordeaux
Dans les années 1960, Bordeaux s'affirme comme le centre du développement économique de l'Aquitaine, d'autant que la ville a été promue "métropole d'équilibre" en 1964 avec huit autres grandes villes françaises pour contrebalancer la concentration des pouvoirs à Paris. Bordeaux est le centre de décision régional où siègent les nouvelles structures administratives et économiques. L'année 1967 est celle de la création de la Communauté urbaine de Bordeaux (CUB) qui regroupe vingt-sept communes. Les équipements ferroviaires, routiers et portuaires se modernisent. Après les difficultés de l'après-guerre, le trafic du port de Bordeaux connaît, pour un temps, un redressement spectaculaire poussé par le transport des hydrocarbures. Il se déplace vers l'aval à la recherche d'eaux plus profondes. L'avant-port du Verdon est aménagé en 1964, avant les crises pétrolières des années 1970 porteuses de nouvelles épreuves.

Depuis le 15 décembre 1957, l'installation d'un émetteur à Bouliac permet de recevoir la télévision dans l'agglomération. En 1962, Radio Aquitaine produit sa première émission de télévision régionale. Dans le domaine culturel, plusieurs initiatives portent le nom de Bordeaux bien au delà de ses frontières. C'est le cas du Mai musical qui donne sa première en 1950 au Grand Théâtre, en présence de François Mauriac. Il accueille des compagnies dramatiques, des corps de ballet, des orchestres et des solistes réputés. Avec la première semaine de Sigma, en 1965, la ville se lance tous azimuts dans la politique culturelle d'avant-garde. En dix ans, la fréquentation de ce festival passe de 6 000 à 60 000 spectateurs.
Le TGV en gare Saint-Jean

Au début des années 1970, la population de l'agglomération passe de 430 000 à 600 000 habitants. De nouveaux arrivants se sont installés lors des décennies précédentes, venus d'Espagne, puis du Portugal ou de l'ancienne Algérie française devenue indépendante en 1962. La ville change. Le nombre d'étudiants augmente considérablement : de 6 300 juste après la guerre à environ 20 000 en 1965. Le campus laisse peu à peu le centre de l'agglomération pour se développer en périphérie, à Talence et à Pessac. Les étudiants manifestent nombreux en mai 1968, bientôt rejoints, comme ailleurs en France, par des travailleurs en grève. Le Grand Théâtre est brièvement occupé. La nuit du 25 mai, des émeutes font 109 blessés, mais à la fin du mois, le mouvement s'essoufle à Bordeaux comme ailleurs.

Les habitudes changent. En 1969, le premier hypermarché de l'agglomération ouvre à Mérignac. Dans les années 1980, les radios libres investissent les ondes. A partir de 1982, l'équilibre des pouvoirs change entre l'Etat, la région, le département et les communes, devenus collectivités territoriales. En 1990 le TGV fait son entrée en gare Saint Jean. La rocade est achevée en 1993 avec l'ouverture du pont François Mitterrand. Quelques années plus tard, la ville se penche sur son passé à travers le procès de Maurice Papon, ancien secrétaire général de la préfecture de la Gironde, de juin 1942 à la Libération.
Bordeaux tourne une page d'histoire.